Une histoire de riz

mardi 3 mars 2009



On mangeait à midi avec un collègue à Gaby, Yoshitaka, qui nous a expliqué une petite anecdote rigolote.

Sur cette image, les trois kanjis de gauche représentent le même mot, avec trois calligraphies différentes: c'est l'idéogramme pour kome (こめ ! Parce que maintenant je sais l'écrire en hiraganas =) ), le riz. Ce site a une planche qui explique d'où vient le pictogramme: il est censé représenter trois tiges de riz coupées qui sèchent au soleil.

À droite, c'est le kanji pour le chiffre 8. Et si on regarde bien, on peut voir le kanji riz comme un assemblage d'une croix droite, , et de deux kanjis "8": l'un à l'endroit, en-dessous de la croix, et l'autre à l'envers, au-dessus! Et pour le coup, étant donné que la croix est le kanji pour les dizaines, ça ressemble fortement à l'écriture de "88", écrit littéralement huit dix huit.




Un proverbe japonais, pour refléter les difficultés de la culture du riz, dit donc que le paysan doit passer par 88 étapes pour produire un grain de riz. Yoshitaka nous explique alors que derrière ce premier sens bénin se cache un deuxième sens: puisqu'il a fallu tant d'étapes pour produire ces grains de riz, c'est une insulte que de laisser du riz au fond de son bol !

Et nous voici tout penauds, Gabriel et moi, avec nos nombreux grains collés sur les parois de nos bols: vu les petites portions qu'on nous sert généralement, on se bat toujours pour récolter tout le riz possible; mais avec des baguettes, c'est pas évident de tout finir :(



Si les raisons sont différentes, le chiffre 8 est aussi un chiffre "chanceux" dans la culture japonaise, tout aussi bien que dans la culture chinoise. Le "8" chinois a presque le même son que le mot "prospérité", mais le kanji japonais 8 est de bonne augure puisque, paraîtrait-il, il "s'ouvre" graduellement. (!) Des fois, on comprend pas tout.

À propos de superstition, si la photo du dessus est rigolote... elle est aussi presque l'image de ce qu'il faut éviter de faire à tout prix en mangeant du riz: planter ses baguettes dans le bol, et les laisser coincées, pointant vers le ciel. C'est exactement la copie d'un des derniers gestes des rites funéraires traditionnels. (un bol de riz est posé en offrande sur l'autel, une paire de baguettes plantées verticalement dedans, offertes aux mains du ciel. Une phrase, qui ressemble à "puisses-tu apprécier maintenant, ce riz que tu n'auras pas pu goûter durant ton vivant" est prononcée, et la famille du défunt partage le riz...) C'est je crois, le geste le plus impoli que l'on peut faire à table, et je pense qu'au moins 3 ou 4 personnes différentes auront insisté lourdement, à des occasions différentes, sur le fait que si il y avait bien une unique règle de politesse à retenir, ce devrait bien être celle-ci.



Et il neige encore aujourd'hui..

(Images: créée depuis Wikimedia Commons; the small print, et Vermin Inc)

1 Comment:

  1. Anonyme said...
    Merci Nicolas, c'est très intéressant !

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