Salut les gônes.

J'aimerais bien reparler un petit peu de mon billet précèdent. Si, si, celui où je fais mon aigri, et où on dirait que je suis pas content de vivre là où je vis.

J'suis pas un linguiste. J'suis pas un sociologue. J'suis pas très bon photographe. J'n'fais donc que livrer ici mes impressions, aussi fausses soient-elles. (Et si z'êtes 'pas contents, c'est pareil) (C'est dit, ouf!)

Et mon impression du moment ne prend pas tant de haut les Japonais que ça. En fait, pour tout vous dire, l'idée de ce billet est née lorsque, bien maladroit que je suis, me suis encore fait prendre à bousculer un Japonais du coin du coude, et encore une fois, à devoir m'en excuser. Y'à pas à dire, nous les Gaijins on fait quand même bien souvent figure de maladroits. Des gars et des nénettes qu'on fixe un peu plus que de raison, certes, (m'y ferais-je un jour?) mais surtout des ovnis pales, qui se déplacent avec difficultés dans les foules, et se cognent souvent aux plafonds et autres objets mal dimensionnés (cages d'escaliers? ...)... Bref le type éléphant dans un magasin de porcelaine, au Japon t'as tous les jours l'impression de retrouver tes années adolescentes, lorsque tu ne te faisais pas encore à ton nouveau dimensionnement.

Et je veux dire, il faut s'y faire. On passe rarement inaperçus (surtout accompagnés d'un grand Sylvain ou Gaby), et c'est la vie. Je ne me plains pas. Là où je veux en venir (je sais, j'aime les effets d'annonce et ma prose sera bientôt aussi désagréable que celle de la tendre et odieuse Amelie. Nothomb.) c'est que ces Japonais, pour faire simple, ont des cameras dans le dos et divers capteurs autour du corps pour sentir leur environnement. Qu'un Japonais consacre une partie impressionnante de ses ressources à sentir le monde autour de lui et à agir en conséquence. Que le mouvement d'une feuille au coin de la rue sera pris en compte et que le type enregistrera soigneusement, classifiera, et rectifiera son allure si besoin est. Ah! Ça t'en bouche un coin lecteur, tout de suite tu t'ennuies moins a me lire, hein? Attends un peu la suite.

Exemple typique. Supermarché. Axiome numéro uno: on ne touche pas les inconnus. Jamais. Axiome numéro dos: ton voisin, idéalement, ne devrait jamais avoir à subir ta présence. Soit transparent, jeune ami. Invisible et silencieux. Un fauve tapi dans l'ombre, attendant l'erreur fatale de sa proie.
Mise en situation: tu hésites nonchalamment dans ton rayon, entre deux produits de marques différentes. Premier produit? T'arrives pas à lire l'emballage. Deuxième produit? Ah, c'est bien dommage, t'y piges toujours rien. Dommage, cela dit ça ne devrait plus t'étonner à ce stade. E si ton ignorance t'étonnes encore à ce point, je me demande comment tu trouves du temps pour lire mes bêtises. Enfin bref, tu tergiverses en fixant le rayon en face de toi, et "t'y entrave queue d'balle". Et là, vois-tu, se pointe un Japonais. Ou plutôt, si tu es chanceux, tu te rends compte qu'un Japonais s'est rapproché bien silencieusement (toujours la même histoire, avec les ninjas, les fauves, yoda et tout ça). Perturbé dans ton choix, tu décides de l'observer du coin de l'œil, histoire d'oublier que t'es japon-ignorant à ce point: que va-t-il acheter? Il bidouille à coté de toi, approche sa main d'un truc, tourne, retourne, et... Tu mets le temps à tilter, mais au fur et à mesure que son manège dure, dure, tu te demandes ce qu'il fait, c'est étrange... Et un doute horrible monte en toi, monte, monte et te prends à la gorge. Insupportable, tu finis par tourner la tête dans sa direction. Soulagé mais cramoisi de honte, il te regarde et te jettes un sumimasennn chantant, avant de -- enfin -- se décider à passer devant toi pour traverser le rayon.
Vous comprenez: je suis tranquillement en train de regarder quelque chose dans le rayon, ce serait donc pour le moins... Mon Dieu, culotté (!) de passer devant moi, et de m'empêcher de voir ce que je regarde pendant une fraction de seconde.
Donc bref. C'est malpoli de passer entre une personne et le rayon. C'est acceptable de passer derrière ce client et le rayon. C'est pas super agréable de solliciter directement une personne pour te laisser passer: il vaut mieux qu'elle s'écarte d'elle-même
.
Et une fois ce principe posé, on peut observer avec malice le jeu des petites politesses et attentions respectives que chacun porte à ses voisins. Chacun est à l'affût, et modifie son itinéraire pour déranger le moins possible d'autres gens. On se rapproche discrètement du rayon qu'on regarde pour laisser, oôo quel hasard, pile la place qu'il faut derrière soi lorsque quelqu'un fait mine de s'engouffrer dans ton rayon.

C'est un petit jeu de faux semblants étrangement drôle lorsqu'on le découvre: il s'agit de calculer pour laisser la place autour de soi, d'être aux aguets, de maîtriser son environnement, mais de ne pas laisser transparaître cet effort. Lorsque je fais deux pas pour ouvrir un passage, je ne tourne pas la tête pour lancer un sourire agréable à l'inconnu que je laisse passer; oh que non! L'ultime, le must du must, c'est de se déplacer comme si... "oh non n'en faites rien madame, vous laisser le passage est tout naturel, c'est même un plaisir, ne me remerciez pas c'est bien normal". Comprenez: à l'inverse, si j'avais regardé cet inconnu et lui avait dit "allez-y, s'il vous plaît", mon interlocuteur m'aurait été redevable. Il aurait donc été bien obligé de s'incliner, de me remercier pour ma bonté et mon attention, etc, etc... Quel maladroit j'aurais fait!!


Ne pas faire de vagues, s'insérer seamlessly dans sa société. Porter des attentions invisibles à son entourage, sans jamais trop les mettre devant un fait qui nécessiterait une action de leur part. Je sais que pour les Français, le concept de la politesse Japonaise est difficile à comprendre, parait superficiel et semble désagréable, puant de faux. Je sais. J'essayerais d'expliquer ce qu'il y a de "bon" dans cette gentillesse âcre qu'on pourrait croire innocente. Une autre fois.


Ce que j'essaye de vous dire (je sais, les généralités c'est mal), c'est que le Japonais est loin d'être socialement con. Hey, réveil! Oui, toi le français typique qui dans le métro parle fort en français en se moquant de tes voisins, croyant qu'ils ne te comprennent pas. Non seulement il y a de grandes chances que ton voisin ait pris des cours de français au lycée (seconde langue), mais... Ton voisin, lui, calcule tout ce qu'il fait! Tu, (je!) ne comprends rien au Japonais, mais chaque mot, chaque tournure que ton voisin prononcera sera pesée! (Mince quoi, à chaque fois qu'on utilise un verbe, non seulement il est conjugué, mais en plus il faut encore choisir un niveau de politesse, une forme verbale parmi les quatre possible selon l'interlocuteur, et le respect qu'on veut lui afficher.) Tu crois vraiment que le Japonais, fils de la nation sur terre qui est peut-être parmi les plus fines et attentives a son entourage, tu crois vraiment que ton voisin ne comprends pas tes mimiques, et ne peux pas lire a travers tes faux sourires, comprendre qu'on se fout de lui? Laisse moi rire, 'casse-toi 'pov con.


Ça y'est, 'me suis encore emporté. Souffle, reprends le cours de tes idées.

Ce que j'essaye de vous dire (je vais finir par y arriver)... c'est que je suis relativement fasciné par la finesse des relations, du tissu social, de la politesse, et de la complexité, en général, de la langue et des manières Japonaises. (Je pourrais étendre encore un peu sur tous ces concepts que mes collègues ou amis n'ont jamais réussis à m'expliquer en anglais ou en français, ces variations et spécificités de la langue Japonaise, mais je pense que vous commencez à comprendre...)

Et donc... Quand j'ai en face de moi ces gens, plutôt cultivés, héritiers de traditions aussi riches et multiples, vous pourrez comprendre que ça me met en rogne de les entendre s'abaisser à utiliser des expressions aussi limitées que celles du Japonais de tous les jours. Voilà. C'est dit.
Prenez un auteur Francophone de talent, que vous lisez et admirez: forcez-le à écrire en SMS-style', et à ponctuer ses phrases de "graveeee, trop cooool", et vous comprendrez -- peut-être -- ma frustration. Ça demande une période d'adaptation, mais écouter le flot d'une discussion rythmée et diversifiée en Japonais, je trouve ça fichtrement agréable. Quand, à l'inverse, j'entends des propos entendus, avec une voix bien stéréotypée (au choix: écolière criarde, voix rauque d'une garu fatiguee, ou voix grave puissante et maâale d'un shinjuku boy avec des mèches blondes), bah... je suis bien dégoûté.



Voilà. J'pense que maintenant, vous aurez compris.


Corollaire: j'ai du mal avec la mode de "l'ingénue". Hop je généralise encore un peu (je suis plus à ça près), c'est assez courant, ce fantasme de la fille bécasse (je suis soft, le mot est très faible) en apparence, mais qui une fois mariée, se retrouve brillante et intelligente. (Ou une fois au lit, devient complétement folle, si vous voyez... erm, pardon). Bahhh ouais, ca m'agace. J'm'en fiche un peu de comment t'es en privé ma p'tite; j'ai envie de dire ça te regarde. Mais si tu veux me faire la cour, 'faudra plutôt en faire un peu plus... que 4 fois moins. Je comprends pas toujours comment ils fonctionnent, ces p'tis Japonais: ça vous éclate, vous, une fille qui rampe et fait l'imbécile et la maladroite?
Je vois un peu trois souvent des amies pour qui j'ai de l'admiration, le genre bien éduqué, qui ont un boulot que beaucoup envieraient... je les vois trop souvent s'abaisser, sous la contrainte de cette horloge biologique et sociale (Ma petite Alice, tu vas bientôt avoir 30 ans, 30 ans tu es en retard, toujours en retard, il va falloir faire un bon mariage, disait le petit Lapin...), abaisser leur niveau de langue, abaisser leurs standards, rabaisser leurs connaissances, bref...

A l'inverse, les hommes jouent les machos de prime abord, mais se révèlent ensuite être relativement faibles et rabaissés chez eux par la maîtresse de maison. Enfin... Apparemment.


Vous avez bizarre?


Je n'ai toujours pas compris, je ne suis donc pas vraiment près de m'en lasser.